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Une jeunesse dorée

Claude-François naît à Rennes, le 26 février 1679, de l’union de François-Claude Poullart des Places riche commerçant de la ville et avocat au Parlement de Bretagne et de Jeanne le Meneust. Le souhait le plus cher de M. Des Places est de faire réintégrer sa lignée dans la noblesse bretonne dont elle avait été écartée lors de la réforme de Colbert en 1668. Il place donc tous ses espoirs en son fils Claude, lequel révèle de remarquables qualités intellectuelles. Ses parents ne reculent devant rien pour favoriser son éducation et lui payent des cours d’équitation, d’escrime et de musique. Il entre à un âge précoce au collège des Jésuites de Rennes, passe une année de rhétorique, puis un an de cours d’éloquence publique à Caen. De retour à Rennes, il étudie la philosophie au collège Saint-Thomas ; il est alors choisi pour soutenir en public la thèse traditionnelle de philosophie, dite le Grand Acte : ce 25 août 1698, le jeune orateur conquiert et émeut son auditoire par la clarté et la simplicité de son exposé et de ses réponses. Claude va souvent prier à l’église proche de la maison familiale, où y est vénérée Notre Dame des Miracles. Là, il fait la rencontre d’un autre élève des jésuites, Louis-Marie Grignion de Montfort. Leur amitié se prolongera plus tard par une étroite collaboration.

Vers le sacerdoce

Claude jouit d’une grande liberté, mais il se sent mal à l’aise. Il passe alors quelques jours de retraite pour se raffermir dans la piété, mais aussi pour examiner devant Dieu à quel état de vie il se sent appelé. Il envisage alors de suivre la voie ecclésiastique. Suivant les conseils de son père, il part en octobre 1698, pour la Faculté de Droit de l’université de Nantes. A l’été 1700, de retour à Rennes et muni de sa licence en Droit, Claude demeure encore indécis. Mais ses hésitations sont de courte durée, Claude comprend qu’il ne sera pas avocat. Il prend un nouveau temps de réflexion et suit une retraite où il rédige ses notes dans deux cahiers : « Réflexions sur les vérités de la religion » et « Choix d’un état de vie ». Dans le deuxième, il se détermine pour l’état de prêtre afin, écrit-il, de « convertir les âmes à Dieu, se tenir lui-même plus régulier dans la vertu et faire le bien plus facilement ». En octobre 1701, Claude arrive à Paris. Il ne va pas à la Sorbonne, la seule institution qui décerne les grades permettant d’obtenir les postes de l’Eglise de France recherchés pour leurs bénéfices lucratifs. Il choisit de s’inscrire à Louis-le-Grand, le collège dirigé par les Jésuites, là où ses études ne seront cautionnées par aucun diplôme universitaire.

Les débuts de l’Œuvre du Saint-Esprit

Le 15 août 1702, Claude reçoit la tonsure des clercs. C’est pour lui le début d’engagements plus marqués dans la voie du renoncement « aux honneurs du monde », à l’exemple de Michel le Nobletz, prêtre missionnaire mort en odeur de sainteté en Bretagne (1652) et dont Claude avait lu la biographie. Son attention est d’abord attirée par les « petits savoyards ». Ceux-ci, nombreux à Paris, employés comme ramoneurs de cheminées, sont le plus souvent isolés et abandonnés. Il se fait leur ami, leur enseigne la lecture, l’écriture et le catéchisme. Peu à peu, il commence à subvenir à leurs besoins matériels. Mais il prend conscience que bon nombre d’étudiants ecclésiastiques sont presque aussi démunis que les petits ramoneurs. Pour les plus pauvres, la subsistance est précaire : dépourvus d’aucun soutien, ils ne suivent les cours que durant le peu de temps laissé libre par les besognes matérielles dont ils ont besoin pour vivre. Claude commence par en aider quelques-uns, sans songer encore à une fondation nouvelle. Il ne s’agit que d’accueillir 4 ou 5 pauvres étudiants et de leur venir en aide discrètement. Mais il s’aperçoit que ses protégés ont autant besoin d’une formation spirituelle que de moyens pour vivre. Claude choisit alors une douzaine d’étudiants ecclésiastiques, loue une maison et le dimanche 27 mai 1703, jour de la Pentecôte, il consacre sa petite communauté au Saint-Esprit, sous l’invocation de la Vierge Marie conçue sans péché. Louis Grignion de Montfort qui projette de fonder une société de prêtres pour les missions populaires lui propose de travailler avec lui. Mais Claude décline la proposition : il formera des prêtres qu’il enverra en mission. « Je vous préparerai des missionnaires et vous les mettrez en exercice ». En 1704, épuisé par les multiples tâches matérielles et la conduite du séminaire, il vit l’épreuve de la nuit spirituelle : il doute du bien-fondé de son entreprise, de sa vocation et de ses capacités à diriger sa petite communauté. Il ne peut continuer seul et fait appel à un prêtre de Rennes pour l’aider. A Noël 1705, il rédige enfin les règlements de la communauté du Saint-Esprit et continue à se préparer à l’ordination sacerdotale qu’il reçoit le 17 décembre 1707, à Paris.

Un projet original et bien ciblé

La communauté du Saint-Esprit se distingue des autres communautés de formation par une conception d’ensemble originale, guidée par l’exigence d’une formation intellectuelle et spirituelle de grande qualité, accessible aux seuls étudiants dépourvus de ressources financières.

  • Pour être admis au « Saint-Esprit », il ne faut pas pouvoir payer ailleurs sa pension. La communauté du Saint-Esprit vit d’aumônes et ne peut se maintenir qu’avec le soutien des pères Jésuites de Louis-le-Grand, et en lien étroit avec eux.
  • L’enseignement reçu au collège est approfondi au séminaire par un ensemble de conférences, de réflexions et d’exercices divers. Les séminaristes sont formés dans les principes de la plus saine doctrine de l’Église catholique et romaine.
  • Dès l’entrée au séminaire, Claude s’efforce de choisir les sujets les plus capables d’acquérir à la fois la science et les vertus. Parmi l’idéal de sainteté sacerdotale et apostolique apparaît tout particulièrement la vertu de pauvreté. Les futurs prêtres ne devront choisir aucun des postes recherchés pour les bénéfices ecclésiastiques que l’on peut en tirer.

Le fatal hiver 1709

Le fondateur du séminaire du Saint-Esprit ne va pas demeurer longtemps parmi ses disciples. L’hiver de 1709 reste, chez les historiens, connu pour son extrême rigueur. À la mi-janvier, durant une dizaine de jours, le thermomètre descend à -21°. Après une remontée de courte durée, une nouvelle vague de froid, accompagnée de neige et de vent survient en février. Plus de 30 000 parisiens meurent de froid, la disette se prolonge une bonne partie de l’année et provoque des émeutes. Claude subit d’autant plus les conséquences du froid et de la faim qu’il préfère manquer de quelque chose plutôt que de voir ses écoliers en être privé.

Pauvre, jusque dans la mort

Fin septembre 1709, atteint d’une pleurésie jointe à une fièvre continue et à une infection intestinale, il endure d’extrêmes douleurs. Comme les hôpitaux regorgent de malades, il est soigné à la maison, alors que se prépare le déménagement de la rue Neuve-Saint-Etienne (près de la place de la Contrescarpe) vers une propriété située rue Neuve-Sainte-Geneviève (l’actuelle rue Tournefort) où le séminaire s’installe le 1er octobre 1709. Le lendemain, vers 17 heures, Claude meurt. Ses funérailles se déroule dans la simplicité, en accord avec l’esprit de pauvreté qu’il avait prêché en paroles et en actes. Sa dépouille sera inhumée, conformément à ses vœux, au chevet de l’église Saint-Etienne-du-Mont, dans la fosse commune réservée aux pauvres clercs. Le 1er octobre 1989, le diocèse de Paris ouvre l’enquête pour sa béatification, laquelle est validée en 2008 par le Vatican.

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